Il est évident que Royal Pyrotechnie n’a pas déçu ses fans (nombreux et audibles dans les gradins) : le spectacle offert était excellent et à la hauteur des attentes. Un feu dont l’approche artistique était à la fois simple et savamment calibrée pour amener les spectateurs dans une valse rythmique entre les tableaux endiablés et ceux remarquablement délicats. Un feu qui aurait bien pu durer plusieurs minutes de plus, sans lasser les spectateurs, et qui m’a imprégné un sourire sur le visage pendant 30 minutes et au-delà. En prime, le tout s’est déroulé par une belle soirée d’été, alors que les nuages ne faisaient pas planer un risque de pluie sur le site, pour une fois. Sixième feu en compétition sur huit, dans le cadre d’une saison de haut niveau, son classement est une opération délicate, surtout que notre fierté nationale avait été habilement stimulée par les organisateurs qui, imaginant de la nouveauté là où il n’y en a pas, clamaient haut et fort qu’une firme représentait le Québec pour la première fois (je partage en tout point le propos sarcastique de Paul, c’était là une pure invention marketing, insultante à l’égard des artificiers du Canada anglais qui n’ont pas souvent eu l’honneur d’être invités à faire Montréal), faisant précéder l’Ô Canada d’une interprétation de Gens du Pays, par une cantatrice toute de blanc et de bleu vêtue. Pour contrôler cet effet exercé sur notre fibre nationaliste, il faut donc y aller critère par critère.
La qualité des pièces. Si l’on ne s’est pas ennuyés pendant ce spectacle, c’est en partie grâce à la variété du matériel pyrotechnique, diversifié à souhait : on ne peut dire qu’un type de pièce, ou une couleur en particulier, dominait le spectacle, contrairement aux spectacles de Panzera ou de Fuegos, par exemple. La palette de couleurs était diversifiée et plusieurs pièces présentaient des changements de couleurs. Nombreuses étaient les pièces sophistiquées qui produisaient plusieurs effets. Clairement, un point fort du spectacle. 9,5/10.
Conception pyromusicale. Mon appréciation est un peu plus nuancée sur ce point. Dans l’ensemble, la conception pyromusicale était de très bonne qualité, mais pas excellente, ni originale. De « très bonne qualité », parce que plusieurs tableaux ont été patiemment construits, créant quelques crescendos pendant le spectacle. Le concepteur Yanick Roy manie de façon remarquable l’art d’entraîner les spectateurs dans des rythmes différents, tantôt très puissants, tantôt très sublimes. Vers la 5e minute du spectacle, le tableau au cours duquel des gerbes blanches (ou de courtes comètes?) dessinaient des arcs en valsant tout près de l’eau était absolument magnifique. Une autre belle réussite fut ce tableau développé sur le thème des tourbillons, qui jaillissaient de plusieurs types de pièces, à tous les niveaux, même sur les tours qui s’illuminèrent alors pour la première fois. Une conception pas « excellente », à mon avis, parce que le thème « Voilà » était peu signifiant, ne créait pas de fil conducteur, contrairement aux spectacles d’Igual, de Pains ou de Pyromagic. « Ni originale », du moins en comparaison avec les performances auxquelles nous avons assistées ces dernières semaines. Les pièces illuminées sur les deux tours ou les mines lancées de celles-ci ne constituaient pas un concept nouveau à Montréal. Le matériel pyrotechnique ne présentait pas de nouveauté remarquable, me semble-t-il. 8,5/10.
Conception technique. Le site de La Ronde ne présente plus de secret pour ces artificiers et ils l’ont habilement exploité, avec des pièces sur toutes les rampes, les deux tours placées sur la rampe 2 et quelques radeaux au centre du lac. Les pièces nautiques n’étaient pas très diversifiées, mais les bombes nautiques dorées qui ont éclaté sur l’un des tableaux étaient de gros calibre et produisaient leur effet! Le spectacle a été dense et constant. Quelques pièces ont éclaté au mauvais moment, mais aucun problème technique n’est venu perturber le tout. Sur ce critère, j’avais attribué des notes de 9,5 et 10,0 à Pains et Pyromagic, principalement pour l’usage original du site (les symboles homme/femme pour Pains, et la grille formée à l’aide de 42 plates-formes flottantes pour Pyromagic). Il me semble que 9,0/10 est une note justifiée pour Royal.
Bande sonore. C’est certainement l’un des critères les plus difficiles car les goûts personnels créent une interférence qui peut prêter à bien des injustices. On reconnaissait ici l’empreinte musicale de Royal : certaines pièces musicales m’étaient un peu familières car je les avais entendues dans des feux présentés par cette firme au Vieux-Port de Montréal dans le cadre des Feux sur glace. Le choix musical est difficile à qualifier. Quelqu’un me disait qu’il s’agissait d’une bande sonore « oubliable » (sans le « in »). En un sens, il y avait là un certain effacement, comme si on avait recherché une bande sonore « atmosphérique », simplement destinée à créer une ambiance propice à l’appréciation d’un spectacle pyrotechnique. Personnellement, j’ai bien aimé cette musique atmosphérique et elle laissait libre cours à notre imagination. Pour l’évaluation, on peut se rabattre sur la dimension la plus technique : la qualité des enchaînements. Ils étaient parfaits : une bande sonore continue qui ne laissait même pas de place aux applaudissements. Une bonne candidature pour le Jupiter spécial destiné à la bande sonore? On verra. Pour l’instant, je me limite à attribuer la note modale de 9,0 sur ce critère. Il s’agit du pointage que j’ai attribué sur ce critère à chaque feu, sauf Igual (9,5) en raison de l’ajout de certains éléments sonores (ex. : les orages) à la bande musicale.
Synchronisation. Notons d’abord que Michel Lacroix s’est réconcilié avec le système de mise à feu et que son décompte était bien synchronisé cette semaine! Quant au feu, la synchronisation était excellente tout au long du spectacle, incluant quelques séquences pendant lesquelles le degré de précision suivait à la note près. Je crois que cela équivaut à la synchronisation atteinte lors de certaines séquences très saccadées du feu d’Igual et d’autres séquences de mines dans le feu de Pyromagic, pour lesquels j’ai attribué 9,0 points sur ce critère. Pour Fuegos Jupiter, j’avais opté pour 9,5 points, en raison du nombre de tableaux au terme la synchronisation atteignait même la luminosité des pièces, qui décroissait simultanément avec le volume de la bande sonore. Il me semble que la note de 9,0 est plus juste pour Royal Pyrotechnie.
En somme, j’arrive à un total de 45,0/50, soit 90%. Un A+!
Pièces pyrotechniques : 9,5/10
Conception pyromusicale : 8,5/10
Conception technique : 9,0/10
Bande sonore : 9,0/10
Synchronisation : 9,0/10
Total : 45,0/50
1. Pyromagic Productions (Hong Kong) (93%)
2. Pirotécnia Igual (Espagne) (91,5%)
3. Pains Fireworks (Angleterre) (91%)
4. Royal Pyrotechnie (Canada) (90%)
5. Fuegos Artificales Jupiter (Argentine) (88%)
6. Foti International Fireworks (Australie) (87%)
Je suis certain que plusieurs membres de ce forum trouveront mon jugement sévère et ils estimeront qu’une quatrième place ne rend pas justice à la qualité du travail de la famille Roy. Comme je l’ai souligné, j’estime qu’il s’agit d’un feu de très grande qualité, qui m’a beaucoup plu, mais l’édition 2009 du concours d’art pyrotechnique de Montréal est particulièrement relevée. Entre le premier et le sixième rang, mes notes varient peu, étant contenues sur une étendue de seulement 6 points de pourcentage. Royal est certainement un prétendant sérieux à un Jupiter. Mais l’esprit de la compétition exige un classement et tel est le classement que j’estime être le plus juste, de mon point de vue personnel.
Fred |