Au risque de répéter encore et encore, il y aura une bousculade à la porte du podium cette année. Avec "Le ciel ne peut attendre", Royal Pyrotechnie se hisse parmi les candidats qui méritent un Jupiter. Leur spectacle fut d'une excellente qualité et je ne saurais leur adresser des critiques sérieuses.
D'abord, le concepteur et ancien artificier de La Ronde, Yannick Roy, a mis à profit sa connaissance du site en élaborant une mise en scène exceptionnelle. Il est rare que les 4 rampes de lancement et le lac soient sollicités de façon aussi soutenue dans un même spectacle. De plus, trois petits radeaux sur lesquels des pièces avaient été installés flottaient au centre du lac. À chaque extrémité de la rampe 3, deux anneaux étaient perchées: elles s'illuminèrent, l'une en vert et l'autre en rouge, en produisant un jet blanc autour de leur circonférence. Aussi, à chaque extrémité de la rampe 2, des pièces étaient lancées à partir du côté et du sommet d'échafaudages. Dans le spectacle, toutefois, ce dernier élément ne s'est pas traduit par un effet très particulier, mais il est bien d'en avoir fait l'essai.
Ensuite, même si Royal Pyrotechnie n'est pas un producteur de pièces, on a pu observer des éléments d'artifice d'une grande qualité et certains originaux. Je pense que les bombes et les chandelles dont le déploiement régulier se terminait par un effet stroboscopique (les "bombes flashs") n'avaient jamais été vues à Montréal, bien que, dans son rapport, Paul soutient qu'elles ont déjà été utilisées. Aussi, je souligne la méthode originale de tir de comètes se succédant rapidement, sans doute était-ce de petits gâteaux chinois, installés les une au-dessus des autres le long de poteaux sur la rampe 3 et lancés en diagonal. L'arsenal comprenait aussi de nombreuses pièces de qualité, par exemple les soucoupes à double ascension qui suscitent toujours une réaction d'admiration chez les spectateurs.
Enfin, la synchronisation a été excellente. Au début d'un tableau, des pièces (peut-être des mines) éclataient sur la rampe 2 de façon synchronisée avec chaque note d'un instrument et, de plus, la position de ces pièces sur la largeur de la rampe correspondait à la hauteur de la note dans la gamme. Cela a été réalisé au début de la pièce musicale "The Ascension" ou "Tryouts". Étant donné la continuité de la bande sonore (le mixage de celle-ci était de haute qualité), il ne m'a pas été possible d'identifier la pièce exacte, même si mon enregistrement de la bande sonore à CITÉ m'a permis de la réentendre.
L'appréciation de la musique est une affaire de goût personnel, bien sûr, mais elle peut avoir un impact significatif sur l'évaluation des membres du jury. Concernant le feu canadien, plusieurs personnes m'ont indiqué ne pas avoir affectionné particulièrement le choix musical. Un ami m'indiquait qu'il aurait apprécié des tableaux où la musique aurait été plus douce, ce qui aurait permis de ralentir la cadence.
Pour affiner davantage le spectacle, il aurait été pertinent de mieux l'articuler autour d'un thème qui donne une unité à un spectacle, comme "Roméo et Juliette" (Australie). Même si le titre "Le ciel ne peut attendre" évoquait bien l'exubérance et le rythme du feu, il aurait été possible d'aller plus loin encore.
Un mot sur le concepteur Yannick Roy. Pendant longtemps, les concurrents canadiens au Concours international d'art pyrotechnique de Montréal ont accompli des performances dont la qualité était parfois discutable. De 1985 à 1998, à l'exception d'un prix spécial remis à Concept Fiatlux pour l'intégration du multimédia en 1997, un seul Jupiter a été attribué à une firme canadienne: dans une édition comptant seulement 6 participants en 1989, Ampleman récolta un Jupiter de bronze, ex aequo avec Pirotécnia Caballer d'Espagne. (À l'époque, les feux n'étaient pas évalués par un jury populaire et, maintenant, une procédure détaillée de bris d'égalité est prévue pour ne retenir que 3 gagnants.) Puis, l'arrivée du jeune montréalais Éric Cardinal à la direction artistique d'Ampleman permit à cette firme d'obtenir un Jupiter d'argent en 1999 et un Jupiter de bronze en 2002. Cette année, un autre jeune concepteur, ayant déjà oeuvré à La Ronde, a dirigé une production qui, même si elle n'était pas récompensée par un Jupiter, aura néanmoins été d'une grande valeur artistique. Je me demande dans quelle mesure la présence d'un concours prestigieux d'art pyrotechnique à Montréal depuis près de 20 ans a influencé le développement et la formation de nouveaux artificiers? Avec Éric Cardinal et Yannick Roy, commence-t-on à récolter les fruits de cette culture particulière?
Mon pointage est tellement serré qu'il est frustrant de positionner certaines firmes en-dessous de la 3e marche du podium! Mais il est nécessaire d'arrêter une décision. Je range Royal Pyrotechnie en 4e position. À mon avis, l'Australie mérite toujours le premier rang (36,13/40). Je classe ensuite les États-Unis (35,89), la Chine (35,70), le Canada (35,66), l'Italie (34,87), le Portugal (32,57), l'Argentine (31,47) et la France (31,17). Où l'Angleterre se positionnera-t-elle?
Frédérick |