Nous avons été choyés par Dame Nature pour cette première soirée pyrotechnique de la saison: la pluie est demeurée au sud du Québec, le ciel s'est dégagé en soirée et les vents soufflaient juste assez pour dissiper la fumée, dans leur direction dominante, vers la section Or et les gradins VIP où bien des gens ont dû s'inquiéter de voir des résidus oranges provenant de larges kamuros descendre vers eux... Comme le soulignait Paul, les gradins - sans être complets, il y avait plusieurs sièges libres - étaient très achalandés. Cela fait changement des estrades de plus en plus dégarnies qui caractérisaient les débuts de saison, voilà quelques années. Cela est sans doute un impact de la disponibilité de billets à meilleur marché (5$ pour les détenteurs de passeport saison, 25$ avec admission sur le site à partir de 17h). Mais il faut aussi dire que parallèlement à ces réductions tarifaires, l'espace disponible pour regarder les feux sans avoir de sièges a été réduit comme une peau de chagrin, en particulier avec le grand réaménagement de l'an dernier, et encore cette année par l'installation de nouvelles loges VIP et divers points de vente qui obstruent la vue (entre le carrousel et le Jardin des étoiles, face au Bateau pirate, sans compter la cabane à jardin demeurée près de l'arcade, qui bloque judicieusement le dernier grand espace disponible à proximité du lac). Ces altérations physiques ont vraisemblablement un caractère permanent, mais les bas tarifs, eux, le seront-ils? La numérotation des diverses sections de la Place de l'animation a été revue mais elle demeure aussi peu visible pour les visiteurs qui cherchaient longuement leurs sièges, occasionnant de la congestion dans les allées et escaliers au cours des minutes qui précédaient le spectacle. Les responsables de la signalisation devront refaire leurs devoirs.
Trois ministres du gouvernement du Québec (dont la ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, conjointe de Pierre Bibeau, vice-président et responsable des commandites chez Loto-Québec) étaient présents, mais le maire de Montréal, Gérald Tremblay, brillait toujours par son absence, malgré que nous soyons en année électorale. Sa principale rivale, Louise Harel, sera-t-elle présente si elle accède à la mairie? Députée d'Hochelaga-Maisonneuve pendant plus de 25 ans, soulignera-t-elle ainsi l'importance de ce festival populaire dont bénéficient les citoyens de cette circonscription qui n'ont qu'à marcher quelques rues pour regarder le spectacle de la rue Notre-Dame? Ou se joindra-t-elle au lobby environnemental qui dénonce que les vents balaient trop souvent les polluants vers ce quartier populaire y voyant, pourquoi pas, un nouveau complot capitaliste contre les classes ouvrières? Guy Laliberté était également de la partie. Le président de La Ronde, Marc Tremblay, a souligné avec insistance sa présence, usant pour ce faire d'un vocabulaire qui laissait bien paraître la familiarité entre les deux hommes. Une autre raison de croire que la collaboration avec le Cirque du Soleil cette année puisse être le présage à d'autres choses?
Le montage de ce feu était assez sobre et ne présentait pas de dispositif particulier: des pièces réparties entre les 4 principales rampes de lancement, quelques fontaines hissées sur des mâts le long du lac, sans autres pièces montées, ni cinquième rampe au centre du lac. Le spectacle lui-même était à l'avenant: Panzera a une fois de plus rempli la commande qui lui avait été faite en présentant un spectacle pyromusical de qualité. Sans plus. Il semble que mon appréciation soit plus mitigée que les opinions exprimées depuis hier soir dans ce forum!
À la base, il faut rappeler que les pièces constituant la bande sonore de ce spectacle ont, selon ma compréhension des choses, été choisies par le public dans le cadre d'un concours organisé par Rythme FM cet hiver. Les gens votaient pour des pièces musicales réparties entre trois catégories: chansons québécoises, musique classique et bande sonore de films. La structure du spectacle respectait parfaitement cette division. C'est donc dire que la liste des pièces musicales a été déterminée tardivement, laissant relativement peu de temps à la conception. De plus, je crois que cela a donné comme résultat une trame sonore hétéroclite qui minait la cohérence et l'unité d'ensemble du spectacle. Par ailleurs, la relation entre le spectacle pyrotechnique et la musique était assez inégale. Certains segments étaient très bien harmonisés (les chandelles de serpents sifflants sur l'air ondulé qui marque l'ouverture de la "Danse du feu" de Falla, par exemple), mais d'autres laissaient à désirer, en particulier pendant le bloc de chansons québécoises.
Pour ma part, la qualité du matériel pyrotechnique est probablement le point fort de ce spectacle. Si l'arsenal n'était pas aussi diversifié que dans certains autres spectacles réalisés à La Ronde (les chandelles, produit de prédilection de la maison Panzera, étaient nombreuses; leur usage trop intense donne l'impression de remplir facilement un tableau pendant plusieurs secondes), il nous offrait en revanche des effets sophistiqués. Les bombes cylindriques, les étoiles changeant de couleurs, d'autres dont la phase de luminosité se concluait par diverses éclosions secondaires... étaient nombreuses. Des fontaines nautiques ont été lancées sur le lac, suscitant l'admiration des spectateurs. And yes, Trav, they were some nautical shells as well!
J'ai douté - et je doute encore un peu - que nous ayons vu le spectacle complet. En effet, pendant de longues périodes, rien n'éclatait en provenance de la rampe 3. Heureusement, les cinq gâteaux de bombettes qui ont amorcé l'avant-dernier tableau (Staying alive) sont entrés en action au bon moment, marquant le pas vers une première finale bienvenue après un long hiver.
Dans l'ensemble, c'était un bon spectacle. Mais on n'y retrouvait pas l'originalité, ni le raffinement qu'on attend des meilleurs artificiers. Les transitions entre les tableaux n'étaient guères soignées. À plusieurs occasions, des pièces éclataient de façon erratique entre deux tableaux et il est arrivé que l'espace devienne subitement noir au beau milieu d'autres segments. Aucune séquence spectaculaire ou originale pour marquer l'imaginaire et s'inscrire dans la mémoire des fidèles qui verront neuf autres spectacles au cours des prochaines semaines.
Panzera, firme qui a tiré le premier feu et remporté un Jupiter d'argent en 1985, puis qui est impliquée dans la direction artistique de l'événement depuis 1987, présentait ainsi son 26e spectacle à La Ronde depuis 1985 (le 27e en incluant le feu d'ouverture de la saison 2000, produit conjointement par Panzera et PPA, l'ancienne firme d'Erik Tucker). Sa contribution au développement du Concours international d'art pyrotechnique de Montréal est incontestable. Mais 25 ans plus tard, l'à-propos de cette collaboration entre Montréal et la firme de Turin ne devrait-elle pas être réexaminée? Après le spectacle, au Salon des artificiers, le concepteur musical Pierre Walder annonçait à mots couverts sa retraite en soulignant que l'âge l'incitait peut-être à passer le flambeau à la jeunesse. Monsieur Walder est un homme très distingué et ses paroles témoignaient d'une certaine sagesse qui pourrait faire réfléchir bien des gens et poser une question qui a presque les allures d'un tabou: le moment n'est-il pas venu de confier la production des spectacles hors-concours à d'autres firmes qui se réjouiraient d'obtenir une telle vitrine pour expérimenter et offrir aux spectateurs des productions audacieuses sans trop se soucier des préférences un brin conservatrices du jury? Personnellement, je ne me souviens guère du dernier feu de Panzera que j'aurais classé parmi mes trois premiers choix s'ils avaient été en compétition.
Cette réflexion porte sur un aspect néanmoins mineur de la compétition, dont la survie paraît maintenant moins menacée qu'il y a quelques années. À moins que la situation financière de Six Flags ne vienne compromettre l'événement en mettant en danger la survie même de La Ronde. Alors que s'ouvrait la 25e édition du concours pyrotechnique hier soir, Six Flags se plaçait quelques heures plus tôt sous la protection de la loi contre les faillites. Enkil, I left the park around midnight and I realized that some rides were running. That is a great shift with the darker seasons, a couple of years ago, when rides didn't reopen following the firework displays.
Fred
P.S.: En consultant l'historique des feux, je constate que les trois premiers feux de cette année sont présentés par les mêmes trois firmes qui avaient lancé la compétition en 1985, dans le même ordre: Panzera, Igual et Pains Fireworks! |