Le calibre de cette 25e édition ne se dément pas et il est de plus en plus difficile de prévoir qui se retrouvera sur le podium, Melrose Pyrotechnic s’ajoutant aux autres firmes qui peuvent espérer obtenir un Jupiter. La foule – la plus nombreuse de la saison, de toute évidence, vacances et beau temps aidant – était particulièrement audible pendant toute la performance et elle ne râtait pas une occasion de manifester son plaisir. Et il y avait de quoi être heureux, car ce « Reel Love » était excellent.
Qualité des pièces. Variété, qualité et couleurs : les trois dimensions de ce critère étaient satisfaites. Bien que des comètes de divers types abondaient, l’ensemble du matériel pyrotechnique présentait une grande diversité qui a contribué au divertissement pendant 30 minutes. De nombreuses pièces sophistiquées étaient présentées tout au long de la performance, créant plusieurs effets simultanément ou successivement. Chaque tableau était construit autour d’un choix de quelques couleurs, reflétées dans diverses pièces et à divers niveaux dans le ciel, témoignant ainsi de la cohérence de la conception pyromusicale (qui était également perceptible suivant d’autres perspectives, voir paragraphe suivant). La fréquence des pièces pyrotechniques offrant des changements de couleurs était particulièrement élevée. On a même vu des pièces avec trois changements de couleurs (vers la fin de « It Must Have Been Love », des comètes dont la tête était violette, tournant au vert, au jaune/orange, puis au rouge), ce qui est très rare dans cette compétition. Même si la diversité des pièces n’était peut-être pas aussi grande que dans les feux d’Igual et de Royal, auxquels j’ai attribué la note de 9,5, la richesse des couleurs exceptionnelle suffit à compenser ce possible déficit de variété. 9,5/10.
Conception pyromusicale. Lorsque des chansons sont choisies pour des feux, j’apprécie la cohérence de la conception pyrotechnique lorsque les refrains sont répétés. C’était le cas hier soir, et c’était particulièrement réussi pendant « I’m a Believer », alors que les trois interprétations du refrain ont été accompagnées de mines de serpentins sifflants et de pièces nautiques faisant émerger du lac un grand nombre de comètes scientillantes et crépitantes, un effet qu’il a été possible d’apprécier à autant de reprises. À l’instar de Royal, Melrose manie parfaitement l’art de captiver les spectateurs avec une variété de rythmes savamment dosés, parfois au sein d’un même segment. « I Will Always Love You » était exemplaire : après une accumulation de kamuros de grande ampleur qui respectait l’envolée lyrique, la fin, instrumentale et sereine, était accompagnée de simples comètes à têtes météoriques jaunes virant au vert. Par contre, je crois que l’une des principales faiblesses du feu de Melrose était son manque d’originalité, tant dans les effets pyrotechniques présentés que dans la thématique cinématographique que les artificiers de partout ne finissent plus de revisiter, année après année. L’ouverture sur la musique des studios MGM a été effectuée maintes fois. L’an dernier, Luso Pirotécnia avait réussi à se démarquer avec un thème semblable par des effets pyrotechniques inédits. Cette fois, on ne peut dire qu’il y avait bien des points à attribuer au chapitre de l’originalité. Mais au moins, il y avait un thème qui conférait une cohésion à l’ensemble de la performance, ce qui était la principale lacune des feux de Royal et de Foti, à qui j’avais attribué 8,5 pour la conception pyromusicale. Les feux plus originaux ont obtenu des notes supérieures à 9. 9,0/10 me semble approprié dans ce cas-ci.
Conception technique. Le site de La Ronde – que Melrose avait reproduit sur son terrain, selon l’interview effectuée par Paul – a été judicieusement utilisé. Plusieurs pièces de gros calibre ont été lancées, donnant au feu une altitude imposante. Le déclenchement simultané de deux rangées d’hélices installées sur des poteaux a créé un effet intéressant (même si l’une d’elle refusait de pivoter). Je souligne particulièrement une rapide séquence de chasse pendant laquelle éclataient des mines de la gauche à la droite de la rampe 3, puis de la droite à la gauche par les 15 plates-formes disposées sur le lac, créant sur la musique de « It Had To Be You » une séquence presque circulaire qui exploitait bien la profondeur du site. La rampe 4 a aussi été le centre d’un usage intéressant, sur la musique de Pretty Woman, alors que des fusées faisaient l'ascension de câbles entre les quais gauche et droit vers la plate-forme située au centre, la pointe des fusées semblant « allumer » un point rouge en bordure de la rampe 4. Il y avait un total de 8 câbles (4 par côté) installés à cet effet. Les pièces nautiques auraient cependant pu être déployées plus fréquemment. La finale, toute aux couleurs patriotiques américaines (blanc, bleu et rouge), a été particulièrement intense. 9,0/10.
Bande sonore. En choisissant des musiques de films populaires, Melrose a fait un choix conservateur et bien des spectateurs ont manifesté apprécié cette orientation. Au plan technique, la bande sonore était moins achevée que celle de Royal Pyrotechnie, la plupart des pièces étant séparées les unes des autres par des pauses plutôt que des enchaînements plus soignés. Il y avait également des imperfections dans la version française de la narration, entendue au début et à la fin du spectacle. Par exemple, l’expression « le dernier film est arrivé » n’était pas une formulation particulìèrement habile; « c'est le moment du dernier film » aurait été plus approprié. Alors que j’ai attribué la note de 9,0 pour la bande sonore de la plupart des feux, ces légères lacunes m’amènent à opter pour 8,5/10.
Synchronisation. La synchronisation a été excellente tout au long du spectacle et elle était accentuée par une luminosité parfaitement harmonisée avec la fin de la musique sur chaque tableau : plus de musique, plus de lumière. J’avais attribué à Fuegos une note de 9,5 car la luminosité y était également synchronisée sur la musique, à quelques occasions pendant le feu. Dans le cas de Melrose, cependant, on ne peut pas dire qu’il y ait eu beaucoup de séquences où les pièces étaient synchronisées à la note. En attribuant 9,5/10 sur ce critère à Melrose, j’obtiens une égalité au 3e rang entre Melrose et Pains. J’attribue donc une note plus élevée à Melrose sur ce critère car le lien luminosité-musique était respecté de façon plus soutenue. 9,75 créerait une nouvelle égalité au 2e rang avec Igual. Je choisis donc la note de 9,6/10. (Voilà ce qu’on appelle « couper les cheveux en quatre »!)
Pièces pyrotechniques : 9,5/10
Conception pyromusicale : 9,0/10
Conception technique : 9,0/10
Bande sonore : 8,5/10
Synchronisation : 9,6/10
Total : 45,6/50
1. Pyromagic Productions (Hong Kong) (93%)
2. Pirotécnia Igual (Espagne) (91,5%)
3. Melrose Pyrotechnics (États-Unis) (91,2%)
4. Pains Fireworks (Angleterre) (91%)
5. Royal Pyrotechnie (Canada) (90%)
6. Fuegos Artificales Jupiter (Argentine) (88%)
7. Foti International Fireworks (Australie) (87%)
Au-delà de ce classement, Igual, Pains, Royal et Melrose sont, pour ma part, à égalité et leur ordre pourrait être inversé n’importe comment entre la 2e et la 5e position. Il me semble extrêmement difficile de les départager. Pyromagic s’est distingué un peu plus par l’originalité de la conception technique et l'usage de certaines pièces. Foti et Fuegos ont présenté quelques lacunes de plus que les autres concurrents, mais à peine. Quelle saison cela aura été!
En terminant, il faut souligner la préparation par Melrose Pyrotechnic d’un joli document imprimé sur du carton et taillé en forme de bobine cinématographique, distribué aux spectateurs. On y retrouvait une courte présentation du feu et la liste détaillée des pièces musicales entendues, du titre du film auquel chacune était associée et le nom de l’interprète. C’est la deuxième fois en deux ans qu’une telle initiative est prise par les participants et je souhaite que cela se reproduise (ou que La Ronde standardise le procédé et produise un « programme » similaire qui permet de guider les spectateurs à travers la démarche artistique des concepteurs, ce qui était particulièrement le cas avec le document de Sunny l’an dernier).
Fred |